Pour survivre, le système des commissions doit montrer patte blanche

par | 6 Avr 2023 | Eclairage

Le moment bruisse de menaces, de propositions, de nouvelles pistes, de rumeurs, bref l’incertitude plane sur l’économie de la distribution de l’assurance. Ce qui crée une incertitude regrettable. Comment analyser ce que nous savons ?

Au moins en France, il existe un consensus fort pour sauvegarder le système des commissions. Les Pouvoirs publics et les instances professionnelles sont accrochés à ce même objectif. Il semble également que les organisations de consommateurs, celles qui siègent au CCSF1, ne montrent pas d’hostilité foncière. Cette nette volonté, marquée en France, est partagée dans plusieurs pays, l’Allemagne bien que la coalition au pouvoir soit un peu tiraillée, l’Italie, l’Espagne pour parler des pays dans lesquels un consensus est formé. Pour autant, la commissaire européenne ne fera connaitre sa position que dans le cadre de ses propositions sur la RIS2, le 5 mai prochain. De toute manière, si une décision défavorable aux commissions devait être initiée, elle suivra un parcours d’approbation long et indécis avant d’entrer en application. Et, si les pronostics les plus pessimistes se réalisaient, il y aurait une période de mise en place probable assez longue. La fin de l’histoire est encore bien éloignée. Les honoraires généralisés ne rallient pas grand monde.

Personne n’a intérêt à casser un outil économique qui fonctionne bien et permet à l’Etat d’orienter l’épargne issue de l’assurance-vie vers le financement de l’économie3. C’est d’ailleurs l’objectif de la RIS que de renforcer « la participation des investisseurs particuliers au financement des entreprises ». Bref, un changement total de système économique qui nécessite une prise de risque que les responsables publics n’ont guère envie de prendre et dont l’horizon, pour ce que nous en savons, paraît quand même bien éloigné.

Quoi qu’il soit, le système du commissionnement ne pourra pas rester en l’état. Cela paraît acquis. Deux orientations sont à l’œuvre. D’une part, la direction du Trésor explore la piste de la transparence, qui est déjà un objectif de Bercy, afin de favoriser la comparabilité des produits et améliorer la lisibilité du consommateur. D’autre part, l’ACPR veut réduire voire supprimer les incitations de nature à altérer l’objectivité du distributeur dans son approche des besoins de ses clients et la délivrance du conseil.

Ces deux aspects sont liés. Une transparence renforcée permettra une concurrence accrue. Ce qui aura pour effet de réguler les niveaux des frais et des rémunérations. Ce qui contraindra à une forte limitation voire à une disparition des incitations autre que la rémunération factuelle des tâches accomplies y compris le conseil. C’est un lourd chantier en perspective, mais qui prendra du temps. En effet, la comparabilité impose l’objectivité des informations de tous les acteurs qui concourent dans le même domaine. Il faut donc créer une norme qui détermine les données que l’on veut comparer. Ce n’est pas le plus compliqué. Mais il faut aussi, et c’est un préalable, déterminer l’information clé qui sera mise à la disposition du marché. De beaux débats en perspectives.

1 Conseil consultatif du secteur financier (CCSF)
2 RIS « A Retail Investment Strategy for Europe» a pour objectif d’améliorer la participation des investisseurs particuliers au financement de l’économie 
3 Les encours des contrats d’assurance-vie atteignaient 1 842 milliards d’euros à la fin décembre 2022

Henri DEBRUYNE

Contactez-nous